Peut-être ferez-vous de la bûche pour Noël ?(Moi je préfère la bûche glacée)
Voici un marque-page que m'avait envoyé LAURE
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Merci Laure !
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L'origine de la bûche de Noël remonte au XVIIème siècle, dans
l'Europe entière. La coutume voulait que, la veille de
Noël, une énorme bûche de bois,
soit ramenée dans chaque maison: c'était presque un cérémonial.
L'essence du bois, la façon d'allumer la bûche et la durée de sa
combustion formaient un rituel dont chaque région avait ses
particularités.
Le lendemain, lors de la veillée de Noël, elle trouvait sa place
dans la cheminée. Le chef de famille l'enduisait d'huile, de sel ou
de vin cuit en récitant des prières de circonstance.
On gardait ensuite
les cendres de la bûche car elles étaient sensées
protéger la maison et favoriser les récoltes.
Puis les poêles ont remplacé les cheminées. Une petite bûche de bois décorée est venue orner la table de Noël. De fil en aiguille, la bûche de Noël s'est transformée en pâtisserie symbolique de Noël
En
Bretagne, la plus grande fête de l’année était la fête de Noël,
et ce que nous, pauvres paysans, nous aimions le plus dans cette
fête, c’était la Messe de minuit, explique Jules Simon dans une
description reproduite par un grand nombre de journaux du XIXe
siècle. Maigre plaisir, pour vous autres citadins qui aimez vos
aises ; mais qu`était-ce pour nous, paysans, qu’une nuit
blanche ? Même quand il fallait cheminer dans la boue et sous
la neige, pas un vieillard, pas une femme n’hésitait.
On
ne connaissait pas encore les parapluies à Saint-Jean-Brévelay, ou
du moins on n’y connaissait que le nôtre, qui était un sujet
d’étonnement et d’admiration. Les femmes retroussaient leurs
jupes avec des épingles, mettaient un mouchoir à carreaux
par-dessus leurs coiffes, et partaient bravement dans leurs sabots
pour se rendre à la paroisse. Il s’agissait bien de dormir !
Personne ne l’aurait pu. Le carillon commençait dès la veille
après l’Angelus du soir, et recommençait de demi-heure en
demi-heure jusqu’à minuit ! Et pendant ce temps-là, pour
surcroît de béatitude, les chasseurs ne cessaient pas de tirer des
coups de fusil en signe d’allégresse ; mon père fournissait
la poudre. C’était une détonation universelle. Les petits garçons
s’en mêlaient, au risque de s’estropier, quand ils pouvaient
mettre la main sur un fusil ou un pistolet.
Le
presbytère était à une petite demi-lieue du bourg ; le
recteur faisait la course sur son bidet, que le quinquiss (le bedeau)
tenait par la bride, Une douzaine de paysans l’escortaient, en lui
tirant des coups de fusil aux oreilles. Cela ne lui faisait pas peur,
car c’était un vieux chouan, et il avait la mort de plus d’un
bleu sur la conscience. Avec cela, bon et compatissant, et le plus
pacifique des hommes, depuis qu’il portait la soutane, et que le
roi était revenu.
On
faisait ce soir-là de grands préparatifs à la maison.
Telin-Charles et Le Halloco mesuraient le foyer et la porte de la
cuisine d’un air important, comme s’ils n’en avaient pas connu
les dimensions depuis bien des années. Il s’agissait d’introduire
la bûche de Noël, et de la choisir aussi grande que possible. On
abattait un gros arbre pour cela ; on attelait quatre bœufs, on
la traînait jusqu’à Kerjau (c’était le nom de notre maison),
on se mettait à huit ou dix pour la soulever, pour la porter, pour
la placer ; on arrivait à grand’peine à la faire tenir au
fond de l’âtre ; on l’enjolivait avec des guirlandes ;
on l’assurait avec des troncs de jeunes arbres ; on plaçait
dessus un gros bouquet de fleurs sauvages, ou pour mieux dire de
plantes vivaces.
On
faisait disparaître la table du milieu ; la famille mangeait un
morceau sur le pouce. Les murs étaient couverts de nappes et de
draps blancs, comme pour la Fête-Dieu ; on y attachait des
dessins de ma sœur Louise et de ma sœur Hermine, la bonne Vierge,
l’Enfant Jésus.Il y avait aussi des inscriptions : Et homo
factus est !
On
ôtait toutes les chaises pour faire de la place, nos visiteuses
n’ayant pas coutume de s’asseoir autrement que sur leurs talons.
Il ne restait qu’une chaise pour ma mère, et une pour tante Gabrielle,
qu’on traitait avec déférence et qui avait quatre-vingt-six ans.
C’est celle-là, mes enfants, qui savait des histoires de la
Terreur ! Tout le monde en savait autour de moi, et mon père,
plus que personne, s’il avait voulu parler. C’était un bleu, et
son silence obstiné était peut-être conseillé par la prudence,
dans un pays où il n’y avait que des chouans. L’encombrement
était tel dans la cuisine, tout le monde voulant se rendre utile et
apporter du genêt, des branches de sapin, des branches de houx, et
le bruit était si assourdissant, à cause des clous qu’on plantait
et des casseroles qu’on bousculait, et il venait un tel bruit du
dehors, bruits de cloches, de coups de fusil, de chansons, de
conversations et de sabots, qu’on se serait cru au moment le plus
agité d’une foire.
A
onze heures et demie, on entendait crier dans la rue : Naoutrou
Personn ! Naoutrou Personn ! (M. le recteur, M. le
recteur). On répétait ce cri dans la cuisine, et à l’instant
tous les hommes en sortaient ; il ne restait que les femmes avec
la famille. Il se faisait un silence profond. Le recteur arrivait,
descendait de son bidet que je tenais par la bride (c’est-à-dire
que j’étais censé le tenir, mais on le tenait pour moi; il
n’avait pas besoin d’être tenu, le pauvre animal). A peine
descendu, M. Moizan montait les trois marches du perron, se
tournait vers la foule découverte, ôtait lui-même son chapeau, et
disait, après avoir fait le signe de la croix : « Angelus
Domini nuntiavit Mariae ». Un millier de voix lui répondaient.
La
prière finie, il entrait dans la maison, saluait mon père et ma
mère avec amitié, M. Ozon, le maire, qui venait d’arriver de
Pénic-Pichou, et M. Ohio, le maréchal ferrant, qui était
greffier du juge de paix. M. Ozon, M. Ohio étaient les
plus grands seigneurs du pays. Ils savaient lire ; ils étaient
riches, surtout le premier. On offrait au recteur un verre de cidre
qu’il refusait toujours. Il partait au bout de quelques minutes,
escorté par M. Ozon et M. Ohio, puis, aussitôt, on se
disposait à bénir la bûche de Noël. C’était l’affaire de dix
minutes.
Mon
père et ma mère se tenaient debout à gauche de la cheminée. Les
femmes que leur importance ou leurs relations avec la famille
autorisaient à pénétrer dans le sanctuaire, ce qui veut dire ici
la cuisine, étaient agenouillées devant le foyer en formant un
demi-cercle. Les hommes se tenaient serrés, dans le corridor, dont
la porte restait ouverte, et débordaient dans la rue jusqu’au
cimetière. De temps en temps, une femme, qui avait été retenue par
quelques soins à donner aux enfants, fendait les rangs qui
s’ouvraient devant elle, et venait s’agenouiller avec les autres.
Tante Gabrielle, revêtue de sa mante, ce qui annonçait un grand
tralala, était à genoux au milieu, juste en face de la bûche,
ayant à côté d’elle un bénitier et une branche de buis, et elle
entonnait un cantique que tout le monde répétait en chœur.
Vraiment,
si j’en avais retenu les paroles, je ne manquerais pas de les
consigner ici; je les ai oubliées, je le regrette; non
pas pour vous, qui êtes trop civilisés pour vous plaire à ces
souvenirs, mais pour moi. Et, après tout, je n’ai que faire de la
chanson de tante Gabrielle, puisque je ne sais plus un mot de
bas-breton. L’air était monotone et plaintif, comme tout ce que
nous chantons chez nous à la veillée ; il y avait pourtant un
crescendo, au moment où la bénédiction allait commencer, qui me
donnait ordinairement la chair de poule...
Jules
Simon (breton,
philosophe et homme d'état 1814-1896)
(Texte
trouvé sur france-pittoresque.com)