Chocoline la petite poule qui cherchait le printemps
Ce matin-là, veille de Pâques,
au petit jour, il se passa quelque chose d’extraordinaire dans la
boutique du confiseur. Toutes les cloches en chocolat se mirent à
sonner…Elles réveillèrent Chocoline, la grosse
poule de chocolat, pleine de petits œufs à la liqueur, qui dormait sur
son nid. Elle voulut s’étirer, mais le grand nœud de ruban rouge, serré
autour de sa taille, l’obligea à rester tranquille.
"- Qu’est-ce que c’est ?" demanda-t-elle.
Toutes les cloches répondirent :
"- Pâques arrive … ! Pâques ! Pâques ! C’est le printemps : Ding Dong !"
"- Comment est-il le printemps ?"
"- Oh ! Elle ne sait pas ce que c’est que le printemps !" rirent toutes les cloches. Au fait, comment lui expliquer ?
L’une murmura :
"- Le printemps, c’est comme un tout petit enfant avec plein de fleurs dans les mains."
"- Non, corrigea la voisine, le printemps c’est un beau jeune homme, habillé de vert et qui sourit."
"- Non, dit une autre, le printemps c’est
une jeune fille aux cheveux blonds, avec une robe fleurie et des
guirlandes au bout des doigts."
"- Non, non, protesta la foule des
cloches, et elles se mirent à parler toutes en même temps, on entendait
des mots : fleurs, nids, chansons, soleil,… en un gai carillon."
"- Je n’y comprends rien, dit Chocoline, si vous parlez toutes en même temps, je ne saurai jamais comment est le printemps."
Mais les cloches étaient lancées,
impossible de les arrêter !
Chocoline se dit : Je voudrais bien
connaître le printemps, mais comment le trouver ? On me renseignera en
route, je vais partir au-devant de lui.
Chocoline réussit à se glisser hors du ruban rouge. Elle quitta son nid en chocolat et elle sortit dans la rue. Personne ne s’étonna de voir Chocoline.
Elle ressemblait à une poule ordinaire. Il y avait bien dans son ventre,
ces petits œufs sucrés qui ballottaient et lui pesaient, mais elle s’y
habitua.
Passant près d’un panier posé sur le trottoir, elle aperçut de belles jonquilles jaune pâle :
"- Jonquilles, où est le printemps, je vous prie ?"
"- Le printemps ? Mais c’est un peu nous."
Chocoline crut qu’elles se moquaient d’elle. Elle continua son chemin.
Plus loin, sur le bord d’une fenêtre, un pot de jacinthe bleue la regardait de toutes ses clochettes ouvertes :
"- Jacinthe, dis-moi où est le printemps, je le cherche."
"- Le printemps ? C’est un peu moi, dit la jacinthe, mais tu le trouveras guère à la ville, il se plaît mieux à la campagne."
Elle marcha longtemps et arriva à la
campagne. Près de la route, elle entra dans un poulailler pour se
renseigner. Mais les poules se lèvent de bonne heure : elles étaient
déjà parties. Dans un nid vide, Chocoline se débarrassa des petits œufs
qui encombraient son ventre. Elle se sentit plus légère. Les enfants de
la ferme trouvèrent, dans la matinée, les petits œufs à la liqueur de
Chocoline au milieu des œufs des poules. Quel régal pour fêter Pâques !
Chocoline repartit plus légère. Il
faisait bon ; le soleil lui caressait les ailes. Des petites pâquerettes
faisaient la roue dans l’herbe. Des buissons, pressés d’être jolis,
s’étaient garnis de fleurs, sans attendre les feuilles.
Elle appela :
"- Pâquerettes, buissons, dites-moi où est le printemps ?"
"- Le printemps, mais c’est un peu nous," répondirent-ils ensemble.
"- Vous vous moquez de moi, se fâcha Chocoline. Je veux voir le printemps ! Où est-il donc ?"
"- Cherche," siffla le merle.
Notre poule arrivait au bord d’un petit bois. Tout à coup, deux notes chantèrent : Coucou ! Coucou !
"- Maman, demanda un petit garçon, entends-tu le coucou ?"
"- Oui, c’est le printemps, répondit la mère.
C’est le printemps ! A ces mots,
Chocoline fut transportée de joie. Voilà ! C’est lui ! Je comprends ! Il
est dans le bois. Il joue à cache-cache. Je le trouverai maintenant.
Comment est-il ? Est-ce un enfant, un jeune homme ? Est-ce lui qui
laisse tomber de ses mains toutes ces fleurs ? Elle s’enfonça dans le bois, et la voix
mystérieuse semblait la suivre, et s’éloigner, et puis revenir : Coucou,
coucou, coucou ! Mais pas de printemps. Elle n’aperçut qu’un petit oiseau qui sautillait dans les branches.
Ne rencontrerait-elle jamais le printemps ?
Chocoline arriva dans une jolie prairie
ensoleillée. Une petite maison proche y souriait de toutes ses fenêtres
ouvertes. Dans le jardin des pêchers roses ressemblaient à de gros
bouquets. Pour quelle fête étaient-ils dressés ?
Deux pigeons roucoulaient doucement. Chocoline avançait, et ses pattes écrasaient les violettes.
"- Comme je suis bien," murmura la poulette.
Le soleil réchauffait si agréablement
ses plumes, qu’elle s’accroupit dans un creux, écarta un peu les ailes,
et ne bougea plus. Elle comprit cette fois qu’elle avait trouvé le
printemps.
Bien sûr, on ne pouvait le voir près de soi, mais il était là cependant. L’oiseau du bois avait bien raison.
Coucou ! Le printemps est là, sur la branche de saule aux chatons de
velours gris. Coucou ! Il est là, dans le parfum de l’aubépine. Coucou !
Il chante dans l’arbre, il est sur le sol. Coucou ! Il est dans le
ciel, plus clair et plus bleu. Il est partout quand son heure est venue.
Coucou !
"- Comme je suis bien, répète Chocoline. Je me sens toute amollie. Mais … qu’est-ce qui m’arrive ?"
Elle se tait. Son cou se plie, sa tête touche le sol…C’est le soleil, déjà chaud, qui fait doucement fondre la poule en chocolat.
Et ce fut Valérie, la petite fille de la
ferme, qui la ramassa. Elle se régala des débris de Chocoline, qui
était morte de bonheur pour avoir rencontré le printemps.
D’après Marie-Louise VERT « Contes de Perette » (Les Editions Claires)
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Joyeuses Pâques à tous !
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