jeudi 28 novembre 2024

L'arbre et la maison

 



 

...Car ce poète, un soir auprès du feu dans le désert, racontait simplement son arbre. Et mes hommes l'écoutaient, dont beaucoup n'avaient jamais vu qu'herbe à chameau et palmiers nains et ronces.

"Tu ne sais pas, leur disait-il, ce qu’est un arbre. J’en ai vu un qui avait poussé par hasard dans une maison abandonnée, un abri sans fenêtres, et qui était parti à la recherche de la lumière. Comme l’homme doit baigner dans l’air, la carpe doit baigner dans l’eau, l’arbre doit baigner dans la clarté. Car planté dans la terre par ses racines, planté dans les astres par ses branchages, il est le chemin de l’échange entre les étoiles et nous.

Cet arbre né aveugle, avait donc déroulé dans la nuit sa puissante musculature et tâtonné d’un mur à l’autre et titubé et le drame s’était imprimé dans ses torsades. Puis ayant brisé une lucarne dans la direction du soleil, il avait jailli droit comme un fût de colonne, et j’assistais, avec le recul de l’historien, aux mouvements de sa victoire…"

Antoine de Saint-Exupéry

 






 

 

 

lundi 25 novembre 2024

Huelgoat

 

Je vous emmène aujourd'hui à Huelgoat, commune du Finistère dans les Monts d'Arrée 

(Vous pouvez cliquer sur les photos pour les voir en plus grand)


Berceau de nombreuses légendes celtes, et domaine des fées, la forêt domaniale de Huelgoat est connue pour son amoncellement de rochers granitiques à la disposition chaotique. Y serpente aussi la rivière d’Argent (affluent de l'Aulne)


 

A l'entrée du site, il faut passer sous ce rocher, le chemin n'est pas bien large, ni haut !





Selon la légende, Gargantua, de passage dans la région, demanda l’hospitalité aux habitants de la forêt. Furieux de ne se voir servir qu’une bouillie de blé noir, il se dirigea vers le Léon (nord-Finistère) Et pour se venger, jeta tous les rochers qu’il trouva sur sa route à l’emplacement de l’actuel chaos.












Un barde jouait de la harpe celtique, rendant le lieu encore plus enchanteur


Le lac du Huelgoat, d'une superficie de 15 hectares, se déverse dans la rivière d'Argent (qui doit son nom à d'anciennes mines), alimentant le moulin du Chaos et le chaos granitique 


 



Le Moulin du Chaos, à l'entrée du site, de l'autre côté du pont, date de 1339. Il était destiné à l'origine à moudre le grain. Il est aujourd'hui le lieu d'expositions.

 



 


 

 

 

 

 

 


 

jeudi 21 novembre 2024

Tibet

 

                    Voici aujourd'hui un marque-page de femme tibétaine

 


 

 

A base d'orge grillée, la tsampa est le plat traditionnel des Tibétains. L'orge réduite en farine, mêlée parfois de blé ou de pois, est détrempée, pétrie dans un thé beurré et salé.



                                              La tsampa

Il était une fois de pauvres gens dont la masure côtoyait la belle demeure d'un riche propriétaire. Cette année-là, l'hiver était rude. Agabunda ne parvenait plus à nourrir les siens.

Le voisin recelait dans ses greniers des montagnes d'orge. Lui demander l'aumône, implorer sa pitié ? Démarches vaines. Le voisin ne donnait qu'à ceux qui pouvaient lui rendre. Il n'accorderait rien à un misérable. Alors, un soir, Agabunda, désespéré, eut une idée. Il alluma un grand feu dans sa cour, un feu somptueux, qui brillait dans la nuit.

Le riche voisin, intrigué, s'approcha :

-"Hum ! Agabunda, veuille me pardonner si je suis indiscret, mais que fais-tu brûler ainsi ?"

-"Oh, répondit négligemment l'interpellé, un cousin qui rentrait aujourd'hui de la capitale m'apprend qu'en raison de l'hiver rigoureux, la tsampa atteint en ce moment des prix incroyables. Je fais cuire quelques kilos d'orge, et j'irai les vendre à Lhassa !"

Le riche propriétaire revint chez lui tout songeur. Il décida de griller une belle quantité d'orge, et de profiter lui aussi de l'aubaine.

Quelques jours plus tard, Agabunda et son voisin prenaient la route de la capitale. Ils avaient résolu de voyager ensemble. S'ils étaient attaqués en chemin, se disait le riche propriétaire, Agabunda, placé en tête du convoi, recevrait les premiers coups. Sur son âne, Agabunda avait disposé trois sacs emplis à ras bord de feuilles mortes. Le yack du riche propriétaire portait sur son dos trois gros sacs gonflés de bonne farine d'orge grillée.

En chemin, la nuit tomba. Ils dormirent dans un petit temple abandonné. L'endroit était misérable. Il ne restait dans un coin qu'une statue en bois de Bouddha, dont le nez était rongé par l'humidité.

Un peu avant l'aube, Agabunda se leva sans bruit. Il sortit les feuilles mortes de ses sacs et les donna à manger à son âne. Ensuite, il remplit ses sacs avec l'orge grillée de son compagnon. Enfin, il déposa les sacs vides de celui-ci sur les bras du Bouddha, en prenant soin de lui barbouiller la bouche et le visage de bonne farine.

Le matin, quand il s'éveilla, le riche propriétaire constata le désastre. Il poussa des cris abominables.

-"Au voleur ! Au voleur ! Ma bonne tsampa !"

Imperturbable, Agabunda montra du doigt le Bouddha, la bouche encore barbouillée d'orge grillée.

-"Shakyamuni, l'éveillé, devait avoir très fin, dit-il avec conviction, pendant la nuit, il a dévoré toute votre tsampa. Il s'en est fallu d'un cheveu qu'il ne s'attaque à la mienne ! Mais je ne veux pas vous laisser ainsi, partageons !"

Il donna un sac et la moitié d'un autre au riche propriétaire, qui accepta avec un sourire contraint et ne parla plus tout le reste du chemin.

"Que le riche prenne garde, dit le sage, s'il refuse de donner un peu de tsampa à son voisin, Bouddha la lui dérobera et la mangera."

 

Conte tibétain  (Les plus beaux contes zen de Henri Brunel)